Comment la surveillance des eaux usées aide à lutter contre la COVID-19

Comment la surveillance des eaux usées aide à lutter contre la COVID-19

Accra/Lusaka/Pretoria – Deux fois par semaine, une équipe de scientifiques de l’Institut national des maladies transmissibles (National Institute for Communicable Diseases, NICD) de l’Afrique du Sud traverse les zones urbaines du pays, visitant jusqu’à 50 sites de traitement des eaux usées pour remplir des bouteilles de ces eaux. Les bouteilles ainsi remplies d’effluents sont scellées, désinfectées, puis transportées vers des laboratoires dont le réseau couvre tout le pays. Ce contenu est ensuite testé pour détecter la présence du SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19.

La surveillance des eaux usées est utilisée depuis des décennies pour détecter et suivre la propagation de virus et d'agents pathogènes, notamment le choléra, le poliovirus, la typhoïde et la résistance aux antimicrobiens (RAM), les norovirus et la grippe. Cette surveillance fournit des alertes précoces et permet de recueillir des éléments factuels supplémentaires concernant le virus en circulation dans la population, notamment s’il est présent ou pas, sa concentration ainsi que l’existence de variants préoccupants ou nécessitant un suivi. L’apparition de la COVID-19 a réaffirmé le rôle que la surveillance des eaux usées joue en sa qualité d’outil offrant un bon rapport coût-efficacité pour la surveillance des maladies.

La surveillance des eaux usées repose sur le fait qu’une personne infectée peut excréter le virus par les selles et l’urine, même lorsque le sujet est asymptomatique. L’analyse des matières fécales peut établir la charge de l’infection au sein d’une communauté dans une localité donnée et aider les autorités sanitaires à cibler leurs efforts de riposte en connaissance de cause.

« Il est difficile de tester toutes les personnes atteintes de COVID-19, mais il est facile de procéder à un test de détection des eaux usées. Cela équivaut à tester efficacement toutes les personnes qui vivent dans une zone particulière », explique la Dre Kerrigan McCarthy, pathologiste spécialiste au NICD.

La surveillance des eaux usées au service d’autres maladies

Sur la base des données recueillies à partir des échantillons prélevés en Afrique du Sud, la Dre McCarthy indique que les niveaux de COVID-19 dans les eaux usées étaient étroitement liés aux cas notifiés et aux variants en circulation à ce moment-là.

« Au pic de la pandémie, nous avons gagné en confiance dans les résultats des eaux usées parce que nous avons relevé une augmentation des niveaux de SARS-CoV-2 avant de commencer à observer des augmentations dans les tests cliniques. Nous avons également pu séquencer le génome dans les eaux usées et cela nous aide à savoir quel variant est en circulation et quelles sont les mutations génétiques », ajoute-t-elle.

Conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en plus de la COVID-19, ce type de surveillance environnementale continue d’être utilisé pour surveiller la poliomyélite dans plusieurs pays de la Région africaine.

 « Si vous prélevez des échantillons d’eaux usées pour détecter la poliomyélite, cela peut vous indiquer la circulation du virus au sein des personnes vivant dans une zone spécifique. Cette démarche est utile, car seule une personne sur 100 atteinte de poliomyélite présente des symptômes », explique la Dre McCarthy. « Tester les eaux usées a donc été un bon moyen de détecter la propagation du virus et de contribuer aux efforts visant à éradiquer la poliomyélite », a-t-elle ajouté.

La Zambie a commencé à prélever des échantillons d’eaux usées au titre de la lutte contre la poliomyélite en 2018. La méthode sert d’outil essentiel de détection précoce dans un contexte où, en 2022, la République démocratique du Congo et le Malawi voisins ont notifié respectivement des cas de poliovirus dérivé d’une souche vaccinale et des cas de poliovirus sauvage.

« Avec ce type de surveillance, vous obtenez des échantillons de ceux qui utilisent le système d’égouts. Par conséquent, s’il y a des virus dans les effluents ou dans les eaux usées, ils seront prélevés par le laboratoire », indique Belem Matapo, responsable de la surveillance des maladies au bureau de pays de l’OMS en Zambie. « Le coût est également très faible par rapport au prélèvement d’échantillons individuels sur des cas suspects. »

S'appuyer sur l’expertise existante

Au Ghana par exemple, le pays a utilisé le dispositif mis en place pour la lutte contre la poliomyélite dans le cadre d’un projet pilote de surveillance des eaux usées mené dans la riposte à la COVID-19 entre novembre 2020 et mai 2021, grâce à une subvention octroyée par la Fondation Bill et Melinda Gates.

« Le Ghana disposait déjà de structures de surveillance environnementale et lorsque la COVID-19 est survenue, nous avons décidé de nous appuyer sur l’expertise existante pour soutenir la riposte », explique Habib Yakubu, Directeur adjoint pour les projets de recherche à l’Université Emory, qui a dirigé le projet pilote.

Avec seulement 10 % de la population ghanéenne raccordée au réseau national d’égouts, l’équipe de Yakubu s’est aussi appuyée sur les toilettes publiques pour mieux comprendre ce qui se passait dans les communautés.

« Nous avons pu établir une relation correspondante entre le signalement de la COVID-19 dans l’environnement et les cas cliniques qui arrivaient dans les hôpitaux aussi bien dans les zones urbaines que rurales. Cela a été essentiel pour orienter les décisions de santé publique et mettre en place tous les protocoles pour prévenir l’exposition », explique Habib Yakubu.

Cependant, malgré ces avantages, peu de pays africains ont adopté la surveillance de l’eau dans le cadre de leur riposte élargie à la COVID-19. En plus de l’Afrique du Sud et du Ghana, COVIDPoops19, un tableau de bord qui documente dans le monde les efforts de surveillance des eaux usées dans le cadre de la lutte contre la COVID-19, classe le Nigéria, l’Ouganda, le Kenya et le Malawi au nombre des autres pays africains où des initiatives de surveillance des eaux usées sont en cours.

Détecter de possibles résurgences dès que possible

Cela est dû en partie au manque d’infrastructures de laboratoire requises dans de nombreux pays sur le continent. « La plupart des pays africains doivent s’appuyer sur un laboratoire central basé dans la capitale pour obtenir des résultats. Dans le cas du Ghana, les échantillons collectés à l’extérieur de la capitale sont souvent mis en lots, emballés dans des glacières et renvoyés à Accra une fois par semaine. Avec ce type de travail, le temps est important. Si vous retardez le test de l’échantillon, il pourrait ne plus avoir de valeur », souligne Habib Yakubu.

Cependant, avec les systèmes appropriés en place, la Dre McCarthy réaffirme que la surveillance des eaux usées peut faire une différence importante dans les communautés à forte densité de population, à faible statut socioéconomique et manquant de services de santé, en particulier l’accès au dépistage de la COVID-19.

Au moment où les pays africains s’éloignent de la phase aiguë de la pandémie, les taux de dépistage ont simultanément diminué dans tous les domaines. Au 1er décembre, 85 % des pays de la Région africaine de l’OMS n’avaient pas atteint la cible recommandée de 10 tests de dépistage pour 10 000 personnes par semaine.

Pour la Dre McCarthy, cette statistique confirme le rôle que la surveillance des eaux usées peut encore jouer à l’avenir. « Maintenant que nous testons moins de cas, la surveillance des eaux usées devient de plus en plus importante parce que nous pouvons savoir où se produit toute augmentation de cas et quels sont les variants en circulation », indique-t-elle. Avant de conclure : « Cela peut nous aider à identifier toute résurgence le plus tôt possible ».

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